LA VICTIMISATION SECONDAIRE DES VICTIMES DE VIOL : RETOUR SUR CES VIOLENCES MÉCONNUES
Le procès DEPARDIEU a été l’occasion de mettre en lumière cette forme de violence subies par les victimes dans leur parcours judiciaire. En cause lors de ce procès, la défense « énergique » menée par l’avocat de Gérard DEPARDIEU qui n’a eu de cesse d’invectiver les victimes et leurs conseils.
Le tribunal Correctionnel de PARIS a reconnu en l’espèce que les victimes ont subi un préjudice lié à cette victimisation secondaire. La décision a fait l'objet d'un appel du prévenu.
Retour sur cette notion
Lorsqu’une personne est victime de viol, le traumatisme ne se limite pas à l’agression elle-même. En tentant de faire reconnaître ce qu’elle a subi, elle peut se heurter à une autre forme de violence, plus insidieuse :
la victimisation secondaire
. Cette expression désigne l’ensemble des préjudices supplémentaires causés par les réactions inadaptées, blessantes ou culpabilisantes de l’entourage, des institutions, ou des professionnels censés accompagner la victime. Loin d’être marginale, cette réalité constitue un véritable frein à la justice et à la reconstruction des victimes.
Qu’est-ce que la victimisation secondaire ?
La victimisation secondaire, parfois appelée
violence institutionnelle
, survient lorsque l’attitude des professionnels — policiers, gendarmes, magistrats, avocats, médecins, psychologues, voire membres de la famille ou collègues — inflige une souffrance supplémentaire à la victime. Cela peut prendre plusieurs formes :
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Minimisation ou mise en doute du récit de la victime
: « Tu es sûre que c’était un viol ? », « Tu avais bu ? », « Tu portais quoi ce soir-là ? »
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Procédures traumatisantes ou intrusives
: auditions répétées, absence de prise en charge psychologique, délais excessifs de traitement des plaintes.
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Langage inadapté ou culpabilisant
: parler de « relations sexuelles non consenties » au lieu de viol, ou poser des questions à connotation accusatoire.
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Classements sans suite sans explication claire
, parfois perçus comme un déni de justice.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a reconnu cette violence depuis longtemps
et affirme régulièrement l’existence de telles violences dans le cadre de ses décisions (Arrêt MC c. Bulgarie, n° 39272/98, du 4 mars 2004 ; arrêt Y. c. Slovénie – n°41107/10 du 28 mai 2015 ; arrêt N.Ç. c. Turquie, n° 4059/11 du 9 février 2021; arrêt J.L. c. Italie, n° 5671/16 du 27 mai 2021 ; arrêt B v. Russia, n° 36328/20 du 17 janvier 2023.
Un phénomène systémique
La victimisation secondaire n’est pas seulement le fruit d’un manque d’empathie individuel. Elle est souvent révélatrice d’un système judiciaire et médical mal formé aux réalités des violences sexuelles. Beaucoup de professionnels ne disposent ni des outils, ni de la formation nécessaire pour accueillir les victimes avec la sensibilité et la rigueur que ces situations exigent.
Un rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE, 2019) révélait qu’en France, seules
12 % des victimes de viol portent plainte
, et qu’un pourcentage infime aboutit à une condamnation. Ce taux très bas est en grande partie lié à la peur — ou à l’expérience concrète — d’une
re-victimisation
au cours du processus judiciaire.
Les conséquences psychologiques
La victimisation secondaire peut aggraver les troubles psychotraumatiques déjà présents : état de stress post-traumatique, anxiété, dépression, idées suicidaires. Elle peut également dissuader la victime de chercher de l’aide, entretenir un sentiment de honte ou de culpabilité, voire entraîner un retrait social durable.
Pour certaines victimes, l’expérience institutionnelle est vécue comme
plus violente encore que l’agression elle-même
: le sentiment de trahison, d’injustice et d’abandon peut profondément altérer leur confiance dans les autres et dans les institutions.
La victimisation secondaire est une violence silencieuse, mais dévastatrice. Elle illustre à quel point notre société peine encore à reconnaître et accompagner dignement les victimes de viol.
En parler, c’est déjà briser une forme d’omerta.
Conscient des enjeux, le cabinet accompagne les victimes dans leur parcours judiciaire pour les protéger au mieux de cette victimisation secondaire.